d'Istamboul à la frontière sino-kirghize,

4 mois de voyage en Asie centrale

entre avril et juillet 2006

7200 km de vélo en 72 journées de vélo

et 30 jours de flânerie autant touristique que pédestre et/ou de formalités administratives

 

cette page contient

un diaporama de 172 photos illustrant la partie iranienne de ce voyage:

entre le 3 avril et le 3 mai, 2358 km en 19 jours de vélo

et 10 jours de visite

 

puis les courriels envoyés au long du voyage

 

 

Courriels envoyés au fur et à mesure de la traversée de l'Iran 

 

Dogubayazid(Turquie)-Maku(Iran)

Aujourd'hui jeudi 04 mai nous avons fait tranquillement les 35 kilomètres jusqu'à la frontière turco-iranienne toujours en longeant le Mont Ararat encore plus joli sous le soleil. Après une petite heure de formalité nous avons basculé de Gulbulak à Bazargan puis sommes descendus sur Maku ("bon exemple de petite ville iranienne traditionnelle" nous dit le guide Lonely Planet) où nous résidons ce soir histoire de se familiariser avec ce pays si étrange quand on a la télévision chez soi.

Les gens ont l'air très détendus et nous saluent du même mot ("hello") qu'en Turquie. La circulation est un peu moins chargée que jusqu'à maintenant. Bon départ même s'il n'est encore que très limité...

Pierre-André

 

Dimanche 07 mai 2006

Nouvelles de Tabriz

 

Donc nous avons passé la frontière à 4 le 04 mai, l'effectif initial ayant été complété par Simon (sans Garfunkel) un jeune anglais de l'âge de mon fils.

Descente tranquille sur Maku, ville universitaire à une trentaine de kilomètres de la frontière où nous avons passé l'après-midi, histoire de relâcher les tensions diplomatiques.

J'ai pu marcher une petite demi-heure pour aller voir un beau balcon en fer forgé vieux d'un petit siècle seulement mais joliment ouvragé puis je suis monté derrière le village sous la falaise en surplomb qui le domine.

Au passage les restes du porche d'une (peut-être ?) église arménienne et d'un fortin du XVIIème au bout d'une ruelle peuplée de son petit monde pittoresque d'échoppes, de mécanos et de coiffeurs.

L'Iran traditionnel comme dit le guide Lonely Planet dans une petite ville où les gens sont très décontractés et un peu plus nonchalants peut-être que les Turcs (bien qu'ils soient en principe largement azerbaïdjanais par ici c'est-à-dire en fait un peu turc tout de même (bien que l'écriture et la langue ici soient persanes).

Hotel Alvand choisi d'après le guide: gentiment sympathique.

 

Commentaire sur l'accueil: il est toujours le même et donc on se précipite sur nous au moindre ralentissement de notre part ou même on nous arrête pour nous offrir le thé (et discuter car ils savent tous dire "where do you come from ?" (d'où venez-vous ?) et la réponse les intéresse beaucoup. Apparemment les Francais sont bien vus par les Iraniens (au moins par ceux à qui le mot "France" dit quelque chose).

Hier il a fallu même refuser la proposition d'un arrêt d'une demi-heure ("pas" nous disait-il) à un Iranien qui voulait parler francais (ils sont très peu nombreux à savoir le faire: aucun pour l'instant à part celui-là). C'est la deuxième fois que des jeunes femmes conduites - apparemment - par leur père, nous offrent des fruits par la portière de leur voiture en nous souhaitant la bienvenue en Iran. On pourrait très bien passer nos journées à boire du thé et à discuter mais on avancerait pas très vite...

 

Maku-Evoghli

Après un petit déjeuner pain, beurre, miel et fromage frais arrosé de thé nous sommes partis de Maku le 05 mai vers 8 heures et avons voulu couper à travers la campagne mais rien à faire, les automobilistes de passage s'arrêtaient pour nous dire de retourner sur la grand'route. Dans un village un piéton a même sorti sa voiture pour nous guider à 15 à l'heure pendant 20 kilomètres pour nous ramener sur ladite. Il a finalement avoué qu'il était enseignant après avoir dans un premier temps pinaillé sur le questionnement au sujet de son métier.

 

Après une matinée de beau temps puis une heure de vent de face, nous avons eu droit à une bonne petite heure de pluie fine en fin de journée ce qui a donné l'occasion à un réparateur de vélo de Tabriz qui passait par là de nous offrir des fruits et des chips avant de nous laisser sa carte de visite.

Une famille qui nous suivait au pas pendant un moment s'est arrêté à l'entrée du village pour nous serrer la main et nous "montrer" à l'enfant chéri de 7 ou 8 ans qui n'en revenait pas de voir des extra-terrestres de si près.

Nous avons finalement atterri (après 125 km et 9 heures de route) à ce village signalé par les panneaux depuis 75 kilomètres mais qui se composait d'une vingtaine de maisons et d'aucun hôtel. On nous a conduit dans une "lokantasi" (restaurant à la mode turque) ou on nous a proposé une salle avec tapis pour dormir (un dortoir donc).

Le repas du soir et un copieux petit-déjeuner nous ont couté 3 Euros, le coucher étant gratuit.

 

Evoghli-Tabriz

Le 06 mai nous avons relié Evoghlu à Tabriz, soit 136 kilomètres en 9 heures 30: sandwich (kebab) à Margand et beau temps qui commence (déjà ?) à devenir chaud. La 4 voies sur les 30 derniers kilomètres de la journée nous a vus ne pas résister à la tentation des arrêts: dégustation d'une pastèque à 4 au bord de route puis arrêt devant un boulanger qui faisait des grands pains plats triangulaires de 70 centimètres de haut et qui après être venu se faire photographier nous a demandé d'immortaliser ses employés pendant que son voisin de la maison de thé nous servait ledit thé sur les vélos (c'est comment au juste le paradis ?).

Nous sommes à l'hôtel Marshan pour 2 nuits (4,25 Euros par personne la nuitée) avec une journée de visite de Tabriz aujourd' hui: la sélection du guide comprend la mosquée bleue détruite au XVIIIème par un tremblement de terre (77000 morts dans la ville qui compte aujourd'hui plus d'un million de Tabrizis) et en cours de restauration depuis 50 ans (y a du boulot d'après ce que j'ai vu ce matin...), le Bazar (32 kilomètres de magasins: j'ai pas tout vu...) et d'autres choses à voir ou à observer dans les rues.

A midi je suis allé manger une truite frite au Modern Tabriz restaurant conseillé par le guide: 4,5 Euros avec un pot d'un litre de yaourt aussi liquide que délicieusement aigre et donc le grand luxe...

Pierre-André

 

Mardi 09 mai 2006

Nouvelles de Zanjan

 

Tabriz

L'après-midi du dimanche 07 mai, j'ai fait mes petites emplettes: si vous avez besoin d'un sandow 2 fois plus long que de coutume, ça se trouve dans la rue auprès de vendeurs du trottoir et si vous demandez à un marchand de vélo une fiole d'huile de vaseline pour graisser la chaine de votre vélo, il ressort de son magasin et vous adresse à ... un marchand ambulant sur le trottoir. Chacun son (petit ?) boulot.

J'ai aussi passé 2 heures sur internet pour envoyer des photos à Jean-Philippe: hé oui, ça ne tourne pas très vite ici ...

 

Tabriz-Miyaneh

Le lundi 08 mai au matin Patricia (qui "ne peut plus me supporter") et Christian partent de leur côté et moi, du mien (sans commentaires, donc).

Je roule donc maintenant avec Simon qui est parti d'Angleterre à vélo en octobre et qui s'arrête normalement à Téhéran, le but de son voyage (dans 3 ou 4 jours).

Après je descendrai probablement en train vers le sud pour visiter Ispahan et Yazd puis je repartirai en vélo de Téhéran vers la Caspienne et Mashad et le Turkménistan que je dois traverser début juin (entre le 02 juin et le 06 juin exactement).

Après un départ manqué pour cause de câble sorti de sa gaine sur le vélo de Simon et une réparation expresse à l'autre bout de la ville chez notre ami vélociste rencontré l'avant-veille sur la route, nous ne pensions pas pouvoir rallier l'importante ville de Miyaneh distante de 170 kilomètres et nous pensions trouver quelque chose en route. Pour midi nous avons goûté à un abghust (ou dizi), un ragoût de mouton servi dans un mazagran en terre dont on sauce d'abord le liquide avec du pain puis dont on écrase au pilon les légumes (pois-chiche, etc ...) et les morceaux de viande et de gras. Délicieux effectivement !

Au début de l'averse de l'après-midi nous faisons demi-tour pour répondre aux sollicitations d'un faïencier qui connaît bien le climat de son pays. Après 5 tasses et une demi-heure à l'abri mous reprenons la route là où nous l'avions laissée pour aller à Garg Daraq où nous dit-il il y a un hôtel. Trouvant difficilement ce village qui est de l'autre côté de la rivière, on nous confirme qu'il n'y a rien ici mais que 8 kilomètres plus loin ... A cet endroit il y a un restaurant mais pas de possibilité de logement: "Miyaneh, Miyaneh". Et c'est comme ca que l'on passe 2 ou 3 heures de plus parmi les camions de plus en plus nombreux sur une route de plus en plus sombre avec des z'héros qui commencent à bien fatiguer et qu'on se retrouve à ... Miyaneh vers 19 heures et quelques et qu'après avoir refusé l'hôtel "pour touristes" à 15 dollars la nuit nous nous retrouvons en ville entourés de la foule habituelle de curieux et de rabatteurs qui nous dirigent vers... l'hôtel pour touristes. Il nous faudra une heure pour dégoter le lit à 5 dollars qu'il nous fallait.

Au dîner omelette (2 oeufs chacun) à la tomate et au "jambon" et une conversation philosophico-linguistique avec un ancien bien intéressant.

 

Miyaneh-Zanjan

Ce matin du 9, nous avons quitté (après la même omelette que la veille au soir) Miyaneh assez tôt, vers 7 heures 45 pour rejoindre Zanjan à 130 kilomètres environ: Simon était assez fatigué des efforts de la veille et ce n'est pas un cyclotouriste; il n'a fait du vélo qu'à l'occasion de ce voyage.

Les nuages se dissipent assez rapidement et on commence à faire des photos de la rivière que l'on suit mais en la remontant alors qu'on avait passé l'après-midi de la veille à en descendre une autre: heureusement car en faux-plat montant on n'aurait jamais pu faire les 170 kilomètres. On évite les tunnels en restant sur l'ancienne route qui existe toujours. Mais qui dit soleil dit anglais qui fatigue (c'est la chaleur qu'il ne supporte pas, lui). On s'arrête juste avant l'averse du milieu de journée au restaurant: poulet au safran et riz. On n'échappe cependant pas à la deuxième averse de quelques minutes et pas violente du tout. Et c'est le retour de la fatigue chez mon partenaire "qui n'a jamais été aussi fatigué de sa vie" (ce qui est normal dans son cas d'ailleurs vu son inexpérience du vélo au long cours). La circulation est beaucoup plus clairsemée que la veille et se dissipe encore un peu puisque sur les 50 derniers kilomètres la route est doublée d'une "freeway", comprenez "autoroute".

A 18 heures nous sommes au centre-ville de Zanjan (300 000 habitants) où Simon visite 3 hôtels avant de choisir l'Amir Kabir où nous avons mangé ce soir... du poulet au safran avec du riz (et un yaourt et une soupe de blé).

Depuis 2 jours on descend des montagnes et la température remonte de 14min-20max à Tabriz à 20min-30 max prévus cette semaine à Téhéran. Un avant-goût du soleil début juin dans le désert du Turkménistan ?

Demain itinéraire cool et donc court avec peut-être visite de Soltanieh. Faut voir après cette séance d'internet (avec une musique disco en italien!).

Pierre-André

 

Mercredi 10 mai 2006

Nouvelles de Zanjan (suite)

 

Zanjan 10 mai

Finalement on (Simon et moi) s'est accordé une journée de repos ici, à Zanjan. Ca me donne le temps de consulter les horaires des trains entre Téhéran et Esfahan (Ispahan) et entre Yazd et Téhéran sur le site donné par le guide (vous achetez ce que vous voulez comme guide mais il faudra se lever tôt pour me faire acheter autre chose que ceux de Lonely Planet), d'envoyer quelques photos à Jean-Philippe et de régler quelques problèmes personnels par courrier électronique (je rappelle que je suis aussi accessible par mèl:

 

Note de la censure qui administre ce site internet: attention Pierre-André, car en donnant ton adresse email comme cela en clair sur internet, tu t'exposes à recevoir des couriers indésirables car les gens peu scrupuleux recherchent les adresses email dans toutes les pages web. C'est la raison pour laquelle, pour que ta liberté soit préservée, que je me suis permis de rajouter les deux lettres k à gauche et à droite de l'arobas pour tromper ces personnes indélicates. Ainsi pour découvrir l'adresse mail de Pierre-André, vous utilisez celle qu'il a donnée plus haut mais en supprimant les deux k, ou sinon vous m'écrivez pour connaître l'adresse... Merci de votre attention...

 

Ce matin donc, pendant que Simon récupérait je suis allé visiter le lavoir public de la ville, construit en 1926 mais joliment animé de mannequinnes-lavandières puis suis allé faire quelques photos des mosquées de quartier et du bazar.

J'aime toujours autant chercher à garder quelque chose de tout ce que je vois et à fixer en photos le support de mes (futurs) bons souvenirs.

En retournant vers l'hôtel je croise un anglais arrêté à côté de son vélo et finis par reconnaître l'un des 3 qu'on avait déjà croisés à Erzurum. Ils connaissent d'ailleurs Simon et m'écrivent un petit mot à lui transmettre. Ils n'ont qu'un visa de 20 jours en Iran et ils vont prendre quelques jours d'avance sur moi. Dommage je serais bien parti avec eux (même si je n'aurais pas forcément mieux compris 3 anglais qu'un seul) !

Ensuite je suis allé manger au Karavansara Sangi du riz avec une sorte de tajine d'aubergine au yaourt: très, très fin.

 

Remerciements divers:

A propos d'Erzurum, j'en profite pour remercier Karine et Julien, rencontrés là-bas, pour leur beau message. Elle parle très bien le turc et, grâce à elle j'avais pu avoir quelques échos de son échange très politique avec un enthousiaste de la maison de thé où on s'était assis un moment. C'est le problème ici encore plus exacerbé par le changement d'écriture qui, pour l'instant reste totalement incompréhensible. Quand on est devant un hôtel on ne sait pas encore lire que c'en est un si ça n'est pas sous-titré en caractères latins (ce qui est rarement le cas: celui d'hier et donc de ce soir aussi est affiché comme restaurant ce qui est déjà un signe mais les autres qui apparaissent dans le guide nous auraient échappés sans l'aide bienveillante des passants qui continuent à se précipiter pour nous souhaiter la bienvenue et nous proposer leur aide.

 

Je m'aperçois que j'ai oublié de mentionner, à Erzurum toujours, un étudiant qui m'a guidé, à pied, pendant une heure et demi d'un magasin de vélo à un autre pour chercher des patins de freins: je ne sais pas qui ferait cela en France. Et vous ?

 

Je remercie Marco et Gilberte qui m'encouragent à faire des photos. Mon appareil est tombé de mes mains en voulant relacer mes chaussures et j'ai eu très peur: certaines photos de lignes de constructions de briques bien alignées présentaient une aberration très étrange au revisionnage sur l'appareil. Heureusement, ça tient apparemment au viseur-afficheur et sur l'ordinateur tout est rentré en ordre. Par contre sont devenues illisibles sur ma carte-mémoire les photos que j'avais tournées de 90 degrés avant de les envoyer à Jean-Philippe. Il semble que la réécriture sur la carte se passe mal; les piles étaient usées et ça vient peut-être de là. Je récupérerai mes photos grâce à Jean-Philippe en rentrant.

 

Quant à la grenadine au pied du Granon, je vais y penser de plus en plus avec l'élévation de température. Déjà aujourd'hui je me précipite pour acheter des bouteilles d'eau fraîche d'un litre et demi: que sera-ce donc dans quelques temps ? En attendant je bois du thé, ce qui coupe bien la soif et m'aidera surement à moins en souffrir.

 

Cette nuit on a déjà eu très chaud et heureusement que la fatigue nous a bien aidés à nous endormir. Dans le bazar aussi il y a un joli courant d'air et en roulant tout ira mieux mais je sens que les arrêts en bords de route vont être réduits en durée.

Pierre-André

 

Vendredi 12 mai 2006

Nouvelles de Gazvin

 

Récit de la journée de repos à Zanjan:

Visites du lavoir de 1925 (Rakhatshor khaneh), récent mais bien intéressant par les mannequinnes-lavandières qui donne une idée de ce qui a pu se passer ici tous les jours et de la mosquée Rasul Ullah.

 

Je croise dans la rue un des trois anglais "chinacycle" que nous avions déjà vu à Erzurum (ils ont fait un détour par la campagne pour aller visiter un site et ils ont trouvé ça crevant. Ils me laissent un mot pour Simon (qu'ils connaissent car l'autoroute de la soie est un boulevard très fréquenté) parti déjeuner je ne sais où.

 

Ils n'ont qu'un visa de 20 jours en Iran et me précéderont donc de quelques jours au Turkménistan. Dommage j'aurais pu les suivre...

 

Pour mon déjeuner je me suis payé (3,5 Euros) un ragoût de viande et de noix avec un tahine d'aubergines (Kasbeh mademjun) au Karavansara Sangi avec mon pot de yaourt liquide et salé maintenant coutumier. Le serveur ouvre de grands yeux quand je lui montre l'itinéraire sur la carte après qu'il ait fait le geste du pédalage avec les mains, comme quoi il m'a vu passer en vélo ou a entendu parler de nous. Il s'en va vite dire tout ça aux autres avec force signes du menton dans ma direction.

Le soir je vais enlever mes chaussures au Haji dadashi pour manger, assis en tailleur parmi les fumeurs de pipe à eau, le repas standard: salade de crudités avec boulettes de viandes et riz. En allant aux toilettes je traverse la salle des dames (?) où j'aperçois cette scène de circoncision.

 

Hier 11 mai 2006 nous avions prévu une centaine de kilomètres vers Abhar. Nous partons très tôt (7 heures 45) pour éviter le maximum de chaleur et en 3 heures nous sommes au pied du mausolée de Soltanieh (48 mètres de haut) et passons une heure à l'explorer en même temps que plusieurs groupes scolaires. Il fait toujours aussi bon et, vers 13 heures, nous sommes à Abhar. Simon propose Takestan à 35 kilomètres et c'est reparti. Arrivés là-bas après avoir été accompagné par un local en mobylette qui nous confirme qu'il y a bien un hôtel dans cette cité-dortoir (dixit le guide Lonely planet). Malheureusement nous sommes jeudi soir début du week-end et il n'y a plus de place.

C'est Simon qui décide de partir pour Gazvin à 32 kilomètres et malgré la fatigue qui commence à se faire sentir et la circulation qui devient pesante, car il n'y a presque plus de place à droite de la ligne continue qui marque le bord droit de la route, nous y sommes vers 18 heures après 192 kilomètres. Et c'est la tournée des 4 hôtels tous pleins à craquer. Devant le dernier, de jeunes clients à qui Simon demande où aller camper nous expliquent qu'en Iran on peut camper dans les jardins publics. Simon refuse catégoriquement alors ils nous offrent carrément de partager leur chambre: ils sont 4 dans une grande chambre et l'hôtelier nous fait payer plein-pot pour coucher sur nos matelas pneumatiques (pas très hospitalier lui!).

 

Aujourd'hui, encore une journée de repos puisque nous faisons l'équivalent de 2 étapes par jour: changement d'hôtel d'abord. Nous changeons pour l'hôtel Iran qui lui a des douches et où nous avons été très bien accueillis ce matin. J'ai fait un tour de ville - une ville déserte le vendredi à 8 heures du matin avec son bazar pas encore ouvert - pour repérage des photos à faire mais j'en ai déjà fait beaucoup alors je vous en envoie en ce début d'après-midi ce qui me met à l'abri de la grosse chaleur...

Deux fois aujourd'hui j'ai croisé des Iraniens qui me voyant l'appareil à la main m'ont demandé de les photographier: ils posent un peu trop mais ça vous donne une idée des gens qui m'entourent.

Pierre-André

 

Mardi 16 mai 2006

Nouvelles d'Ispahan

 

Donc le 12 mai 2006, nous nous sommes reposés à Gazvin c'est à dire que j'ai visité la mosquée Nabi, le palais Chehel Sotun, le mausolée des 4 prophètes et la mosquée Jamé pendant que Simon faisait ce qu'il voulait. Il a du me le dire mais j'ai pas tout compris. C'était vendredi et le Chicken roasted restaurant était fermé; tant pis pour le poulet-frites...

 

Le 13 mai 2006 au matin Simon voulait éviter la chaleur et nous avons décollé de Gazvin vers 6 heures 45 pour qu'il en termine une bonne fois pour toutes avec son périple de 6 mois à vélo d'Angleterre à Téhéran. Après un bon démarrage puis une petite faiblesse avec la chaleur vers 10 heures puis un peu d'ombre nuageuse après le repas de midi (dizi ou abghust c'est-à-dire ragoût de mouton), un gymkhana pour éviter la freeway à 20 kilomètres de Téhéran puis une dizaine de kilomètres dans le chaudron des embouteillages et avoir roulé 158 kilomètres dans la journée nous avons enfin pu nous noyer dans le maëlstrom de la circulation téhéranaise. C'est vraiment de la folie surtout que l'orage menaçait le nord de la ville et que nous nous sommes mis à l'abri dans un restaurant 15 secondes après qu'un mur de briques soit tombé sur le trottoir devant nous. Après avoir mangé (hamburger-frites) il a fallu faire quelques kilomètres dans cette folie furieuse de 18 heures: motos, vélos, voitures, c'est une ruée éperdue sans autre règle que le passage en force. On s'était habitué depuis déjà la Turquie au non-respect des règles de priorité et des feux (pratiquement toujours clignotants d'ailleurs mais au vert ou au rouge on ne comprend pas bien à qui c'est de passer) mais ici, on a fait (enfin surtout moi car Simon est resté souvent coincé sur un des 2 bords de la route sans pouvoir oser se relancer) comme tout le monde c'est à dire droit et devant accélérateur à fond. Dantesque effectivement. Le guide LP conseille un tour en moto dans ces conditions avec quelqu'un qui s'y connaît. En vélo c'est encore mieux.

  

Le 14 mai 2006, je me suis consacré a la préparation de mon voyage touristique vers le sud sans mon vélo. Je suis allé à la gare à vélo mais aussi de temps en temps à pied: j'ai des nerfs et je ne peux pas risquer l'accident comme ça pendant des heures; c'est vrai qu'"ils" (les conducteurs motorisés) font tout pour ne pas nous renverser mais enfin, de temps en temps ça doit bien se produire ? Finalement j' avais un billet et pour une douzaine d'Euros j'ai abandonné mon vélo et mes bagages pour 3 jours à la consigne de la gare après avoir salué et remercié Simon (qui allait chercher un horaire de l'Orient-Express pour rentrer chez lui)...

 

A 21 heures 50 j'étais avec mes 6 compagnons de compartiment, dont une jeune femme d'ailleurs, la mixité se faisant naturellement quand il n'est guère possible de faire autrement, et, me voyant somnoler (c'est tuant la circulation à 50 à l'heure d'une marée de véhicules pétaradants), ils m'ont vite mis en service la couchette du haut. Bon dodo jusqu'à 5 heures 30, heure d'arrivée à Yazd.

 

Après une bonne toilette à la gare je suis allé à pied en ville (3 kilomètres) et j'ai commencé ma visite de cette très vieille cité spécialisée dans la lutte contre la chaleur. En effet, en plus des mosquées, madrasehs (écoles coraniques), prison d'Alexandre et autre tombeau des 12 imams, on a droit ici à un musée de l'eau digne de celui de Pont-en-Royans et consacré aux citernes, puits et canaux souterrains (les khanats) qui ont permis aux gens d'ici, c'est à dire au bord du désert, de ne pas mourir de soif. Et pour éviter la chaleur ils ont mis sur toutes les maisons des tours de ventilation (C'est le nom en anglais et ça me semble mieux que "tours du vent" comme dit le guide LP): en gros c'est une climatisation intelligente et à pas cher. Admirable... J'ai terminé tout ça par un saut devant le temple zoroastrien (Zarathoustra, 4 ou 5 siècles avant Jésus-Christ), malheureusement fermé puis 5 kilomètres en taxi pour aller voir les tours du silence où les adeptes de cette même religion monothéiste qui précéda ici l'islam, plaçaient leurs morts qui ne devaient être ni enterrés (pour ne pas souiller la terre), ni brulés (pour ne pas polluer l'air). A la charge des volatiles charognards de parfaire le travail, toujours dans la plus grande propreté donc...

 

Bien dépaysant tout ça.

De retour à 16 heures au terminal des bus je suis parti à 18 heures pour Ispahan où j'ai trouvé mon hôtel, l'Amir Kebir pour changer vers 23 heures.

Aujourd'hui et demain, visite de cette fantastique cité aux monuments grandioses. Je vous bloque tout ça pour une prochaine fois...

Pierre-André

  

Dimanche 21 mai 2006

Remerciements pour les petits (et grands) messages...

 

Pour Jérôme: J'ai décidé de ne pas me raser parce que ça m'ennuie de le faire tous les jours mais j'ai quand même emporté un rasoir. Je me suis donc rasé en entrant en Iran, éventuellement parce que l'on commencait à me dire que j'avais une tête de Turc (sérieusement des Turcs m'ont fait la réflexion plusieurs fois). Ma barbe a déjà bien repoussé et je me demande si je n'ai pas un peu une tête d'Iranien parce qu'on me demande de plus en plus de choses dans la rue (et je ne comprends pas de quoi il s'agit) en dehors de l'heure car je suis un des rares à avoir une montre pendue au bout du bras et je fais volontiers lire ma montre en précisant "farsi, no !" (le persan, non !). Mes interlocuteurs semblent assez surpris que je sois un étranger. Par contre, sur le vélo, on ne me prends que pour ce que je suis: un étranger et dès que je précise "francavoui" c'est le déchainement de la grosse sympathie (ce matin même un quidam m'a offert le thé; il ne parlait pas un mot d'anglais et on n'a pas pu vraiment dialoguer mais il m'a carrément embrassé en se séparant (ça se fait ici entre hommes également).

Sur les conditions hivernales à 2000 mètres en avril en Turquie, ça ne doit pas être très exceptionnel.

Et merci pour tes encouragements qui me vont droit au coeur...

 

A Michel, Agnes et Zoé: Je vous suis sur votre site, enfin celui du camping-car et on devrait pouvoir se recroiser ici ou là.

 

Pour Andre Santelli: non, je n'ai pas croisé Serge Girard.

 

Pour Marco: content de savoir que mes textes te rappellent de bons souvenurs.

 

Pour Francis: merci pour tes remerciements. Fermez le ban !

 

Pour Isabelle: Je ne bois pas d'alcool bien qu'on m'en ait proposé récemment. Je ne suis pas en Iran pour boire de l'alcool; je préfère le doogh (prononcez 'doure'), vous savez le yaourt liquide et allongé d'eau et vaguement mentholé (et gazéifié). Je ne suis que peu invité parce que j'évite de l'être: dans la journée je roule et j'ai tendance à refuser de m'arrêter (on avait de grosses étapes à faire avec Simon et on était en pleine chaleur donc on n'acceptait qu'un thé ou deux par jour) et une fois descendu de vélo on me prend beaucoup moins pour un étranger. Maintenant je suis un peu plus cool au niveau délai et côte Mer Caspienne il pleuviote et il fait donc beaucoup moins lourd et peut-être que... Mais le dialogue trouve assez vite ses limites à cause de l'obstacle de la langue.

 

Pour Catherine Ronseaux: bonne continuation de ton voyage par procuration.

 

Pour Francois Rieu: merci pour le salut des Albertvillois...

Pierre-André

 

Mercredi 24 mai 2006

Nouvelles de Gonbad-E Kavus

 

Donc ce 16 Mai 2006 j'attaque ma visite matinale d'Ispahan (Esfahan pour d'autres) par la deuxième plus grande place du monde (apres Tien-An-Men à Pekin): Naqsh-E Jahan ce qui semblerait vouloir dire "le modèle du monde" et a été qualifié de "moitié du monde" par le poète français Mathurin Reignier au XVIème siecle. Une merveille en effet équipée d'une porte Qeysarieh, de la mosquée de l'imam et de celle du Sheikh Loftollah et du palais Ali Qapu, tout ca que je visiterai l'après-midi aux heures chaudes. Pour l'instant je me contente de la traverser pour me diriger, à pied, vers la rivière et ses ponts. Devant une échoppe de marchand de graines je me laisse draguer (il n'y a pas d'autre mot) par ledit marchand qui, le thé aidant, me confie qu'il est athée et a deux copines. Un peu de philosophie, certes à ras de terre mais dans un anglais pas trop hésitant. Avec une dizaine de kilomètres à la clé en marchant au maximum à l'ombre (en ville c'est encore possible en choisissant bien son trottoir ou sa contre-allée) je me franchis et me photocopie les ponts du XVIIème siècle Khaju (prononcez "rajou"), Chubi ("tchoubi") et Si-O seh. De pures beautés... L'après-midi visites payantes autour de la place Naqsh-E Jahan (mais 4 fois moins que prévu par le guide; on doit être hors-saison puisqu'il n' y a pratiquement pas de touristes). Vous verrez les photos; je vous explique pas... Le soir, à l'hôtel, je croise Simon qui visite Ispahan en attendant son Orient-Express et 2 cyclos dont un sud-africain.

 

Le 17 mai 2006, même topo: une quinzaine de kilomètres pour aller trouver le pont Shahrestan (XIIème) puis le cimetière des Martyrs de la guerre Irank-Iran (roseraie des martyrs en fait: Golestan Shohada). Et l'après-midi visite du palais Chehel Sotun ("tchehelle sotoune") et de la mosquée Jameh ("djamée"), c'est-à-dire celle du vendredi, avec un Suisse allemand bilingue; ça fait du bien de se faire un peu comprendre surtout qu'en cherchant à comprendre ce qu'il y a dans le guide, on finira par attirer l'attention et se faire ouvrir les portes de certaines parties jusque là restées closes (pas assez de touristes? mais beaucoup d'attention de la part du personnel qui est finalement lui aussi très hospitalier et sait devancer vos désirs). Epuisant mais tout ça est si déconcertant et si inhabituel que ça vaut bien le voyage. La chaleur est accablante depuis les 2 jours à Téhéran et ça me gonfle les hémorroïdes; j'oserai même dire qu'elles commencent à en avoir plein le cul (à moins que ça ne soit l'inverse comme dirait Jérôme; je sais: tu n'as rien dit mais je l'ai entendu quand même...).

 

Une nuit de train pour reposer les vieilles jambes avec 2 musicos et 3 autres jeunes et à 5 heures du matin je finis ma nuit dans la salle d'attente de la gare de Téhéran avant de retourner à mon hôtel (Mashhad) où je retrouve devant la porte des chambres le vélo de Simon et celui d'une américaine (enfin je crois...). J'hésite à reprendre le mien, de vélo, tout de suite et je reste finalement 2 jours sur place où je m'habitue à la circulation qui devient acceptable et où il n'y a guère que des musées à visiter: palais du Golestan (5 ou 6 musées gratuits au lieu des un ou deux Euros chacun promis par le guide), le premier jour et musées 13 Aban (un sculpteur opposant au régime du shah), national d'Iran (la préhistoire et l'histoire des empires perses (achéménide et sassanide et des Parthes) et des arts islamiques (emmené par un visiteur du précédent qui se reposait avec moi en fin de visite sur un banc et m'a accompagné pendant toute la visite, le deuxième jour. Bien intéressant tout ça pour ceux qui s'intéressent à quelque chose c'est-à-dire à tout (et surtout à ce qui n'est pas eux). Bien crevant la station debout mais ça commence à se tasser du côté de ce dont je parlais précédemment.

 

Le 20, je suis donc mûr, moralement et physiquement pour me lever à 6 heures et me remettre à rouler vers le nord puis l'est...

Pierre-André

 

Nouvelles de Gonbad-E Kavus (Suite)

Téhéran-Amol

Après une bonne pizza (à la mode iranienne et donc de la saucisse d'ici et du ketchup), je me remets au clavier pour essayer d'évoquer le passage le long du mont Davamand (5671 mètres et plus haut sommet de l'Iran et du massif de l'Elborz). Sorti du plateau iranien et de sa capitale, après 62 kilomètres sous la chaleur qui s'installe, je commence l'ascension du col de la journée: une quinzaine de kilomètres jusqu'à une petite station de ski (Reyneh) et encore une bonne rampe en grande partie en tunnel pour déboucher au sommet avec sa mosquée verte et dorée aux couleurs turkmènes. Dans la descente il fait bon et il n'est que 15 heures. Je sais que si je veux aller coucher à l'hôtel à Amol, c'est possible à condition d'aider gentiment le vélo à maintenir sa vitesse jusqu'en bas. Mais on se rapproche de la mer Caspienne et les nuages se font de plus en plus noirs et c'est ainsi que j'en termine des 190 kilomètres du jour à près de 20 heures, une heure après le coucher du soleil et après m'être bien fait trempé et maculé par une bonne petite averse débilitante avec la tombée du jour. L'hôtel mehmunpajir Farhangi n'a pas de douche ce qui m'en rajoute une couche au moral (de boue).

 

Amol-Sari

Le lendemain je prends le temps de faire une demi-heure de queue pour avoir du bon pain frais puis je profite des 15 kilomètres qui me sépare de la Caspienne pour aller y jeter un oeil du côté de la station balnéaire de Mahmod Abad mais il me faut rouler des kilomètres en entrevoyant ladite mer par delà les 4 voies et les 500 mètres qui m'en séparent avant que je ne trouve un passage pour aller marcher sur le sable parmi les plastiques qui le jonchent. Vaut mieux regarder au large... Il fait encore chaud mais ça se couvre de temps en temps pour des aversettes bien rafraîchissantes. J'en profite pour tailler une bavette avec quelques jeunes à un arrêt de bus où je me suis abrité. Par pudeur je ne mentionne qu'à titre médical un épisode diarrhéique aussi soudain qu'inattendu qui restera inexpliqué (je n'ai bu que de l'eau du robinet qu'à Téhéran et encore en petite quantité et le guide prétend qu'en Iran l'eau est potable partout) et sans grande importance mais faut savoir que ça existe malgré un luxe de précautions. Deux cyclos en costume idoine me rattrapent, genre le père et le fils, l'un avec un vélo Gitane, l'autre avec un Peugeot. Je leur signale que le mien est espagnol. Après avoir longé (de loin) la mer pendant une quarantaine de kilomètres je retourne la voir à Babolsar, le port de la ville de Babol puis je tente un raid sur les routes secondaires pour rejoindre Sari. Il n'y a plus que deux voies séparées par une ligne continue ou non, pas de bas-coté ou se réfugier en cas de croisement (ou de doublement) avec (par) des camions et toujours de la circulation. Et de plus il faut demander son chemin à chaque carrefour, les panneaux étant de moins en moins explicites en caractères latins. Décevant! Après 118 kilomètres, j'atterris vers 18 heures dans la mozaferkhuneh (auberge de passage) locale où il n'y a toujours pas de douche et où les prix montent encore (6 Euros plus 1,5 pour le vélo après un refus dans un premier temps et une remontée de bretelles du jeune préposé probablement néophyte par les marchands ambulants devant l'hôtel: "mais enfin c'est un franzaoui et on peut mettre le vélo ici ou là").

 

Sari-Gorgan

Le 22 mai 2006, je prends mon temps, après m'être levé à 7 heures, pour aller voir la mosquée (verte) du coin et les deux mausolées qui sont aussi mentionnés dans le guide. En partant à 9 heures, il fait rapidement chaud et la journée se traîne sur le même ton avec du soleil, des arrêts sans trop de raison, des discussions de plus en plus difficiles car les gens que je rencontre sur la route n'ont plus aucune notion d'anglais et ils ne voient que peu de touristes. Heureusement c'est toujours la même expression de plaisir quand j'annonce que je suis français... Il fait beau et nuageux sur la mer, à 20 kilomètres à ma gauche et très couvert sur les montagnes, à deux kilomètres sur ma droite. A Kordkuy je n'ai plus le courage de m'opposer aux jeunes qui ne veulent pas que je passe par la montagne pour aller à Gorgan mais par la 4 voies, ce que je fais donc finalement en m'octroyant une journée de repos le lendemain ou, si ça me démange, d'aller faire la route de montagne sans mes bagages. A 19 heures et après 135 kilomètres, je peux aller lire mon courrier sur internet à Gorgan après avoir encore payé 7 Euros 50 pour ne pas avoir de douche. C'est balnéaire par ici...

 

Gorgan-Gonbad-E Kavus

Hier le 23 mai 2006, je prends mon temps pensant émigrer dans l'hôtel voisin du premier mais je me fais jeter en tant qu'étranger: "l'hôtel, c'est à côté". Départ vers 10 heures sous une bonne chaleur avec des jambes un peu molles pour aller à Gonbad-E Kavus en pays majoritairement turkmène cette fois-ci. Vers 11 heures 30 je me laisse gagner par la flemme et accepte une invitation pour un thé d'un ouvrier d'un atelier du bord de route. Pendant la dégustation il disparaît et me laisse en compagnie de ses deux collègues et du chat de la cambuse (un frigo mais pas d'électricité, de l'eau dans des jerricanes et un même meublé pour le repas et le couchage). Et voila que ça arrive, la fameuse invitation à dîner, sous la forme du retour de mon hôte avec une ventrée de riz et la ratatouille qui va avec. Je ne peux refuser, Isabelle et après avoir englouti la moitié de mon assiette la terrible nausée arrive et je suis obligé de sauter dans mes chaussures pour aller vomir dehors. Pas grand chose d'ailleurs et sûrement pas tout ce que je venais d'avaler: ce n'est pas une indigestion mais un malaise très passager (les odeurs de fuel, l'intoxication par les gaz d'échappement, mystère là aussi mais enfin, c'est pas de pot ! J'essaye d'expliquer que j'avais le ventre en carafe avant d'arriver ce qui n'est d'ailleurs pas vrai mais je ne me sens pas très convaincant). Dommage car sa tambouille était bien bonne. Le ciel se couvre et la journée se termine gentiment avec la forme qui revient assez vite et j'arrive tranquillement vers 17 heures après 99 kilomètres à Gonbad où je suis resté encore aujourd'hui: 5 Euros pour une chambre à un lit avec douche (chaude) attenante, ça mérite un double.

 

Aujourd'hui je me suis fait laver mon linge chez un blanchisseur, couper la tignasse (c'est le mot juste) chez un coiffeur, j'ai lavé mon cuissard et mon maillot de cycliste, ma veste Goretex; j'ai racheté un stylo à bille et un briquet. Me manque encore à réparer un cale-pied et à doubler le tissu qui recouvre ma sacoche de guidon qui est plus que transparent par endroit mais ici on ne trouve guère que de la soie et peu de coton: les femmes en sont couvertes, enfin les 70% de turkmènes car les autres sont toujours imperturbablement en foncé voire en très foncé, carrément noir, donc. Mais le récit de cette journée: je demande donc au coiffeur qui s'emmerde, seul dans sa boutique à 9 heures, où je peux faire laver mon linge. Il ferme ladite boutique et m'emmène à pied à 500 mètres de là puis me ramène à mon vélo. Je décide donc de me faire couper les cheveux puisque j'allais le faire de toute façon, pensant refuser qu'il me rende la monnaie mais je me fais avoir; c'est lui qui refuse que je le paye et il me donne rendez-vous à 14 heures pour un entretien en anglais (lui ne le parle pas). Je vais donc faire un tour à la campagne vers le nord et je croise un cavalier turkmène et son troupeau, deux chevaux au pacage et... un dromadaire en liberté, ou en fuite puis, après les brochettes-tomates du déjeuner, je vais visiter la tour locale (Mir-E Gonbad). A 14 heures je réveille le coiffeur qui dort dans sa boutique et après quelques tasses de thé nous allons, en vélo, chez son ami tailleur qui a travaillé autrefois pour une compagnie US et baragouine un peu d'anglais. Je lui répète ce que j'ai déjà fait comprendre par gestes à son collègue coiffeur: d'où viens-je, ou cours-je, etc... Vers 17 heures je demande où il y a un café-net et mon coiffeur m'y emmène. Après avoir lu mon courrier et regarder les commentaires sur le site "desroutesdesoie", mon hôte m'emmène chez le boulanger pour que je le prenne en photo au travail (il avait vu le boulanger turc sur le site en question). Et hop! un boulanger de plus sur le site. Une belle journée de détente, voilà ce qu'il me fallait. Demain vers l'est et par la montagne...

Pierre-André

 

Lundi 29 mai 2006

Nouvelles de Mashhad

 

Gonbad-Chaman bid

Le jeudi 25 mai 2006 vers 7 heures je quitte donc Gonbad-E Kavus et retourne sur l'axe ouest-est qui joint les rivages de la Caspienne à la ville "sainte" de Mashhad. Il y a déjà moins de circulation que ces jours derniers, le temps est légèrement nuageux et modérément venté et le paysage s'ouvre beaucoup plus. Alors que, pratiquement depuis Téhéran - mis à part l'épisode lui aussi montagneux du départ de cette capitale à travers le massif de l'Elborz - on ne faisait passer que d'un village-rue au suivant avec peu d'espace campagnard entre chacun, ici on découvre des champs (courgettes, pommes de terre et céréales) et des vergers (pêchers, cerisiers et même noyers) sur de longues distances. Puis on attaque carrément un superbe faux-plat montant à l'abri sous les feuillus (chênes et châtaigniers, par exemple). Ca ne dure que quelques kilomètres mais ça rappelle le bon temps du cyclotourisme de "par chez nous". En 2 kilomètres pourtant, on se retrouve cependant en Asie avec une steppe rase, du caillou et presque plus d'arbres, seulement quelques arbustes. Et en débouchant vers 1000 mètres sur le plateau je suis accueilli par un vent à décorner les cocus (et peut-être aussi quelques chèvres...). Je trainerai assez longtemps en fin d'après-midi à demander dans les petits restos qui subsistent dans ce semi-désert s'il y a des possibilités d'hébergement mais c'est seulement vers 18 heures 30 et après 145 kilomètres qu'un jeune commerçant se met en quatre pour me trouver un logement chez l'habitant. Finalement tout le monde se récuse et il m'emmène ... chez lui où il m'offre gracieusement sa chambre. C'est une découverte pour moi: dans ces villages en pisé qui ont l'air misérable se cachent de coquettes habitations à l'intérieur particulièrement bien aménagé. Certes il n'y a ni table ni chaise mais les tapis recouvrent tout le sol et jusqu'à minuit passé, on boira du thé avec les frères, le père, le neveu de 2 ans et les nombreux amis de mon hôte. On regardera d'ailleurs mes 300 dernières photos sur son ordinateur. Il n'a pas internet car c'est trop cher pour lui. Malheureusement, en milieu de soirée, l'ambiance se gâte car il en arrive à l'échange d'adresses avec une insistance qui me met la puce à l'oreille: il étudie l'espagnol dans un bouquin de conversation et il lui faut plusieurs secondes pour trouver un verbe anglais à mettre après le sujet (lui ou moi, en général). Je le soupçonne de caresser l'espoir d'une migration vers l'Europe et je fais tout ce que je peux pour lui dire que c'est pratiquement impossible au vu de la législation actuelle et du marché du travail. Il est peut-être l'un des plus débrouillards du village mais il est encore loin du compte en connaissance de l'anglais ou de l'espagnol (et encore moins du français) et surtout il est bien inexpérimenté dans cet Iran qui à l'air si facile à vivre dans ses règles de convivialité et d'amabilité soigneusement organisées pour arrondir tout les angles.

 

A 7 heures, avant de partir, je lui en remets quelques phrases en anglais par écrit qu'il pourra se faire traduire où je lui dis que l'adresse que je lui ai donnée est fausse (j'avais donné mon ancienne adresse à Grenoble pensant qu'il voulait m'écrire et comme mon courrier suit encore; je dis habituellement que je suis de Grenoble vu que je porte généralement un maillot CTG et que c'est écrit dessus; allez expliquer ce qu'est Grenoble en Iran et vous verrez que c'est dûr d'imaginer que vous allez expliquer Albertville - parce que les JO d'hiver, ici, on ne sait pas trop ce que c'est, en 68 comme en 92..

 

Chaman bid-Bojnurd

Après 15 ou 20 kilomètres de descente (et un camion couché en bas de la route; ça doit être le troisième depuis le départ ?) je mange mes 2 tomates et mon concombre avec du pain comme petit-déjeuner et j'attaque les longues remontées sur le plateau suivant (toujours aux alentours des mille mètres d'altitude) en même temps que le soleil se fait plus lourd. J'en termine vers 14 heures 30 sous des lampadaires tout les 20 mètres dans la dernière côte avant de me laisser glisser sur Bojnurd, après 128 kilomètres. La mozaferkhuneh locale n'a pas de nom mais seulement des odeurs (peut-être bien de déodorant d'ailleurs, mais ça sent le siphon d'évier bien bouché ce qui n'est pas incompatible d'ailleurs). Je profite de mon arrivée précoce pour me reposer et aller envoyer des photos à l'ami Jean-Philippe, toujours aussi vaillant à son poste, semble-t-il..

 

Bojnurd-Quchan

Le samedi 27 mai 2006, levé à 6, je pars à 7 et croise le remplaçant du gérant qui m'avait accueilli la veille et désespérait de savoir un jour comment remplir la feuille d'hôtel à partir d'un passeport en français (il avait téléphoné pendant mon accueil et avait laissé tomber l'inscription): il est cette fois-ci tout heureux de me saluer. Après une douzaine de kilomètres je m'arrête pour un casse-croûte et un chauffeur de camionnette m'aborde pour me signaler (moitié en anglais, trois-quarts en farsi) qu'un groupe de cyclistes va bientot passer. Je les attends et les photographie à leur arrivée: une douzaine répartie en petits groupes de 2 ou 3 en VTT made in Iran (de mauvais vélos me diront-ils dans un meilleur anglais que leur entraineur). Il relient Mashhad à Téhéran et ont le tee-shirt de leur randonnée, les survêtements et les chaussettes jusqu'aux genoux, tous de la même couleur avec une banderole sur la voiture accompagnatrice. En Iran aussi, il y a des Guy Pachoud efficaces....

On discute technique et parcours pendant un moment et l'un d'entre eux m'invite à aller chez lui quand je serai à Mashhad (2 jours plus tard). Il préviendra sa femme par téléphone. Je suis un peu décontenancé, ne sachant trop comment je me débrouillerai pour faire tout ce que j'ai à y faire: changer des Euros, faire des lessives, préparer la suite, visiter le sanctuaire de l'imam Reza, etc ... Depuis Gonbad le ton est encore plus accueillant qu'avant et il faut que je fasse semblant de ne pas comprendre qu'on me l'offre si je veux payer mon sandwich. Je me laisse quand même faire de temps en temps ou au moins partiellement: on me rajoute un thé ou des cerises quand on sait que je suis français. La digestion de tout ça en plein soleil me posera d'ailleurs quelques problèmes de paupières trébuchantes. L'hôtel Khayyam à Quchan est bon marché, très propre, avec ventilo dans la chambre et douche à l'étage et ... le très bienvenu après 128 kilomètres. Je me paye donc des côtelettes d'agneau avec riz au safran, yaourt liquide et cola pas coca: 3,5 Euros, record battu. J'explique pour Jérome: je compte en Euros car le plus gros billet iranien de 10000 rials correspond à peu près à un Euro. Une chambre vaut entre 4 et 8 Euros, un sandwich entre 0,7 et 1 Euro, un repas avec riz, brochette, une boisson et un yaourt de 2 à 3,5 Euros donc, le litre et demi d'eau fraîche à 0,3 Euro..

 

Quchan-Mashhad

Et hier, donc je me réveille vers 4 heures 40 (il fait grand jour) puis me lève à 6 pour partir à 6 heures 40: Mashhad est à 145 kilomàtres et il y a des choses à voir en route. Je prends mon petit-déjeuner (pain et miel) devant l'entrée de l'université (islamique forcément) locale quand mon attention est attirée par des courses rapides sur les bords de route. Je verrai ainsi batifoler ces dames marmottes toute la journée, à 3 mètres 50 des véhicules motorisés qui ne leur font ni chaud ni froid contrairement à mon vélo qui, roulant sur le bas-coté, rentre dans leur territoire. Vers midi je me déroute sur le village de Radkan pour aller zieuter de près la tour du même nom (et du douzième siècle, je crois). Après 3 kilomètres de goudron, 7 de chemin de terre et la traversée de 2 villages aux rues désertes mais aux maisons pleines, je tombe sur la fine équipe des rénovateurs de l'édifice qui se font photographier au travail, m'offre un nescafé (du truc-cola en fait) et m'explique les astronomes qui ont fait construire le monument. Je vous donne une idée de l'usage fait ici de la langue de Shakespeare: mon interlocuteur, en se désignant du doigt, dit: "my name is Mohamad (mon nom est mohamed)" et en me désignant "my name is ?" et je réponds "Pierre" et en désignant son collègue "my name is" et il le dénomme puis on passe à la religion: "my name is muslim (mon nom est musulman(sic))" et en me désignant, puis à la situation de famille, etc... mais toujours avec la même formule "my name is...". Hyper-sympathique dans sa simplicité (biblique sûrement)! De quoi me donner de l'élan pour en terminer vent dans le dos avec la route et ses 166 kilomètres. Il me faudra 2 heures pour traverser Mashhad et trouver l'hôtel Nasr (ça veut dire aide m'a dit aujourd'hui un prof d'anglais de ma rencontrance) parmi les 3 millions d'habitants de la ville du martyr de l'imam Reza, descendant direct du prophète, empoisonné par le (très) odieux calife Mahmoun en 800 et quelques: les noms des rues ne sont indiqués ici qu'en écriture locale, contrairement aux autres grandes et moyennes villes, et il me faut vérifier sans arrêt le nom du carrefour auprès des passants qui ont toujours autant de doutes sur ma prononciation. C'est très, très laborieux....

 

Mashhad

Ce matin lundi 29 mai j'ai fait ma visite de la partie autorisée (aux non-musulmans) du sanctuaire après avoir laissé ma sacoche et mon outillage photo au vestiaire et accompagné d'un guide retraité bénévole tout surpris d'apprendre que je suis athée, divorcé et que je voyage seul: pour lui ça ne fait pas de doute, il faut avoir confiance en Dieu, une femme et des amis; cela va d'ailleurs ensemble. Je commence à me demander s'il n'a pas un peu raison (pour les deux derniers items seulement) ?.

Pierre-André

 

Mardi 30 mai 2006

Nouvelles de Mashhad (suite)

 

Mashhad-Tous en aller-retour

Ce matin du mardi 30 mai, pendant que les amis Annie et Alain Charrière volent d'Istamboul à Tachkent, j'ai repris la route sur la 6 voies (puis 4 seulement) qui m'a ramené vers Téhéran sur 30 kilomètres pour aller jeter un oeil à Tous et à l'hommage rendu par les Iraniens à l'enfant du pays, le poète Ferdousi (Xème siècle). Bien intéressante l'histoire de cet athée que la révolution islamique n'a pu écarter du paysage officiel et dont les oeuvres épiques racontent les légendes des Aryens. Ce soir je suis invité chez le cyclotouriste rencontré il y a 3 jours vers Bojnurd (et qui doit continuer à progresser à vélo vers Téhéran): j'ai en effet croisé un prof d'anglais qui a bien voulu rappeler au téléphone la femme de ce cyclo pour présenter mes excuses suite à la conversation téléphonique que je n'avais pas eu avec elle vu que je ne cause pas farsi et qu'elle ne speake pas l'english. Demain je prends la route vers la frontière turkmène à Sarakhs et du 2 au 6 juin, je suis au Turkménistan. Pas sûr qu'il y ait le moindre café-internet sur le chemin donc ne vous attendez pas à avoir des nouvelles avant un bout de temps...

 

Bonne rando 2006 aux bullistes qui y participent (avec ou sans tchador)...

 

Salut à Gaétan Pellegrino et Claude Renaud !

 

Jérôme, tu peux rassurer Nadine, mes pneus ne présentent aucune caractéristique d'usure après 4000 kilomètres; ils devraient tenir jusqu'au bout... Je ne peux pas en dire autant de mes plaquettes de frein que j'ai déjà dû changer à l'arrière (où il y a tout le poids) en Turquie; je n'ai plus qu'une paire de rechange mais je pourrais mettre éventuellement des rechanges meilleur marché.

Pierre-André

 

Mercredi 07 juin 2006

Nouvelles de Boukhara

 

Et ben voilà, c'est fait ! On a traversé le Turkménistan; pas complétement en vélo mais ça restera une grande expérience... de ce que je n'obligerai jamais personne à faire.

 

Soirée du 30

Mais revenons en arrière: il me restait à m'offrir une soirée dans une famille iranienne aussi traditionnelle que possible, c'est à dire celle du cyclo rencontré quelques jours avant Mashhad et qui m'avait confié par téléphone aux bons soins de sa femme. Ne sachant pas si elle parlait anglais je n'osais trop lui téléphoner et y aller directement me faisait faire des kilomètres en ville sous la canicule avec le doublement des distances dû aux erreurs de parcours et aux incompréhensions avec les gens interpelés dans la rue. Je me décidai finalement et ce fut l'horreur: elle ne parlait pas du tout l'anglais et donc je dus me contenter de répéter le mot qui sert à présenter des excuses en farsi avant de raccrocher comme un malpropre. Je continuai ma visite de la ville quand je suis tombé sur un prof d'anglais bénévole à ses heures au mausolée de l'imam Reza et accompagnateur (payé cette fois-ci) dans les sorties en taxi à la journée dans les environs. Après un thé chez son collègue, accompagnateur en français lui, et aussi accessoirement marchand de tapis je finis par avoir des nouvelles de Christian et Patricia hébergés chez un collègue à eux (accompagnateur, fournisseur d'hébergements dans les familles, etc...). Et surtout je pus demander au prof d'anglais de téléphoner à madame K. pour présenter mes excuses, d'où l'invitation de la dernière soirée à Mashhad. Vers 19 heures, après une bonne heure dans deux bus nous nous retrouvons chez elle et ses deux filles (la vingtaine triomphante et son fils (plutôt 14 très dégourdi). Même si je m'étais habitué (au bout d'un mois) aux femmes iraniennes en deuil perpétuel, le spectacle de ces trois femmes qui passaient le plus clair de leur temps à remettre perpétuellement en place l'étoffe (genre drap de lit à fleur quand un étranger est présent à la maison) qui leur cache les cheveux et le cou, reste quand même assez difficile. Seule la fille aînée et son oncle (de façon beaucoup plus rudimentaire) parlait un peu l'anglais. Pendant une heure mon prof-accompagnateur a quand même bien détendu les atmosphères avant qu'il n'aille lui-même rejoindre sa fille chez lui (de retour d'un voyage à l'autre bout de l'Iran). Je suis donc resté seul en famille (middle-class bien équipée en ordinateur par exemple dans un quartier que mon prof m'avait pourtant désigné comme pas très aisé (pour les profs par exemple m'a-t-il dit, soit 270 Euros par mois de salaire dont 100 pour l'appartement). Après un excellent jus de fraise bien frais j'ai dégusté bonbons et fruits de saison (cerises, prunes, abricots) et jujube (m'a dit la jeune fille de la maison grâce à son dictionnaire franco-iranien: faut que j'aille aussi loin pour en goûter? Après m'avoir demandé de reconnaître le personnage de la photo prise dans le salon avec cette même famille et qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à l'imam Khomeini, on m'explique que c'est bien lui qui était venu consoler leur famille de la "mort en martyr" d'un des oncles pendant la guerre avec l'Irak. On discute des sujets habituels (famille, travail et... religion): je suis maintenant rodé; ma religion c'est "no god" et d'ailleurs les statistiques sur les Français catholiques à 80% datent des années soixante, ce serait plutôt 20 ou 30% et d'ailleurs mes deux enfants ne sont pas mariés (comme la plupart des jeunes français) et il faut arrêter de mettre la question religieuse au commencement de tout. Je suis écoute très laïquement, d'ailleurs et même avec intérêt. Seule la tante interviendra au deuxième tour de la même conversation plus tard dans dans la soirée pour affirmer qu'il vaut quand même mieux être marié quand on vit ensemble .... On passe ensuite au transfert de mes photos sur leur ordinateur dans le bureau du papa. On me demande ce qui me ferait plaisir pour cette soirée: on me propose même - chose un peu surprenante quand même de la part de cette famille quand même très "intégriste" de m'emmener visiter en soirée les parties du mausolée interdites aux non-musulmans pendant la journée: le soir, les gardiens bénévoles ne sont pas regardants, vous avez d'ailleurs une bonne tête d'iranien ... Finalement on décide d'appeler le reste de la famille pour aller en 2 voitures à 25 kilomètres à Torqabeh, la station touristique à la mode, dîner et déguster une crème glacée. Je n'échappe donc pas, une dernière fois, aux brochettes de moutons, à la salade de tomates, concombres, oignons, au yaourt à l'ail et au doogh (yaourt liquide, mentholé et salé en boisson). L'occasion de passer une soirée dans une famille exemplaire (et oui ce doit être exactement ça) et qui se détend quand même derrière la façade originelle des codes de comportement. Un peu après minuit ils me ramènent à mon hôtel à quelques pas du mausolée où ils vont se recueillir une dernière fois de la journée (ou la première de la journée suivante ?). Une bonne expérience pour moi en tout cas et un lien informatique qui se poursuivra au moins par l'échange sur la Toile des photos prises ce soir-là. Difficile de rendre compte de la complexité de tout ça. Je tâcherais de m'y mettre quand j'aurai plus de temps pour mettre en forme mes réflexions.

 

Et le lendemain, pendant qu'ils récupèrent dans leur lit je me lève à 6 heures 30 pour aller affronter des 7 heures 30 (et avant les plus grosses chaleurs) le semi-désert qui doit me conduire au Turkménistan.

Mais ça sera pour demain car, présentement, le néo-zélandais dont je partage la chambre est assez fatigué (et un peu malade d'ailleurs) et faut que j'aille, moi-aussi, récupérer des terribles fatigues du Turkménistan.Pierre-André

 

Mardi 13 juin 2006

Nouvelles de Boukhara

 

Mashhad-Shorleq

Le mercredi 31 mai 2006 vers 7 heures 30 je quittai Mashhad pour m'enfoncer dans le semi-désert qui conduit au Turkménistan. De moins en moins de cultures, quelques usines encore puis du sable et de la végétation rase sur laquelle des équipes construisent un oléoduc ou quelque chose qui y ressemble. Il commence à faire chaud mais il y a encore tout les 20 ou 40 kilomètres un vague commerce où acheter des gâteaux ou des boissons fraîches. Pas forcément d'arbres pour se mettre à l'ombre et je grignote mes petits casse-croute parfois assis sur le talus et en plein soleil. J'ai d'ailleurs sorti le bob qui me protège la tête d'un peu tout les côtés, peut-être mieux que la casquette. Patiemment je fais mes 133 kilomètres jusqu'à Charloq où j'arrive vers 17 heures 30. J'essaye alors l'autre méthode pour se faire inviter dans les familles: demander où il y a un hôtel et prendre un air catastrophé quand on vous annonce le prochain à 50 kilomètres. J'ai refusé, jusque là d'utiliser cette façon de faire (très) rentable, me contentant de tout faire pour arriver à une ville suffisamment grande pour que des hôtels bon marchés soient indiqués dans le guide mais c'est le dernier soir en Iran avant l'hôtel de la frontière et je tente l'expérience. Et ca marche très bien: un quarantenaire dynamique me dit de l'attendre et s'en va régler des problèmes de l'autre côté de la route et dans les magasins me laissant aux prises avec la jeunesse locale qui se passionne pour ma mécanique et mon itinéraire. Puis il m'emmène dans sa ferme en haut du village. Sa femme (20 ans de moins environ), dont je crus un moment que c'était sa fille parce qu'il réglait aussi des problèmes avec une autre femme de son âge, jette un tapis et des coussins sur la terrasse de la maison et nous prenons le thé entouré d'une demi-douzaine de pré-ados et ados, mâles de préférence. Nous discutons par gestes et grâce au quelques mots du guide qui me permettent de décrire mon voyage et ma famille et mon boulot et la suite (etc...). Pendant ce temps l'un des enfants, handicapé mental, tape le plus violemment possible sur la tête de mon hôte sans que celui-ci ne réagisse par autre chose que des grands sourires puis un peu d'agacement feint. Au coucher du soleil je me retrouve avec le couple et un adolescent de 14 ans dans la maison devant une bonne assiette de riz à la viande, du dough et du bon pain. On se passe ensuite des CD de pub pour des films ricains sur un lecteur noir et blanc hors d'âge et aux limites du fonctionnement ainsi qu'un bon bout d'un film iranien comique et vaguement grivois. Mon hôte a le temps de me montrer des papiers comme quoi il était (ou avait été) militaire et il déballe avec sa femme des plans (de maison ou d'autre construction). Ils parlent sans se couper la parole avec beaucoup de respect mutuel et échangent de nombreux arguments. J'aurais bien aimé mieux comprendre le farsi pour en savoir plus mais on était très loin de la femme musulmane à trois mètres derrière son mari et à qui on se contente de donner des ordres comme à un mulet. Vers 22 heures tout le monde fatiguant, on me laisse choisir entre l'intérieur ou le retour sur le toit. Un léger scrupule pas très explicite me fais opter pour le toit et sa couverture d'étoiles. C'est une bonne idée car à peine emballé dans mon duvet à côté de l'enclos des chèvres et des moutons je vois passer quelques silhouettes qui redescendent coucher chez elles, dans la pièce que je viens de quitter. Je tourne le dos au vent frais et m'endors comme un bienheureux bercé par les derniers aboiements des chiens du village qui continuent leurs dialogues interminables.

 

Shorleq-Sarrakhs

Après une nuit très fraîche car ventée, vers 4 heures 30 le jour point comme c'est son rôle dans le grand opéra de la nature et j'assiste à ce grand spectacle pendant de longues minutes. Les camions aussi se réveillent (ou au moins leurs chauffeurs) et la sarabande d'une nouvelle journée démarre lentement mais sûrement. Puis c'est au tour du bétail de se mettre en branle. Après le petit déjeuner je tente de monnayer l'accueil reçu mais en pure perte, bien sûr, et je prends des photos avec promesse de les envoyer en septembre. Là encore j'ai vécu une belle expérience humaine malgré la totale incompréhension apparente au niveau du langage.

Ce premier juin je quitte la route principale pour aller visiter le caravansérail de Robat-E Sharaf à 6 kilomètres au sud. A 8 heures du matin je suis seul à la rencontre du conservateur du lieu qui m'invite à visiter cet ensemble assez grandiose dans sa simplicité qu'un archéologue (25 ans) et son équipe d'une douzaine d'hommes ont commencé à fouiller. Magnifique, la passion de ces gens qui grattent le sol du désert à la recherche des traces de leurs prédécesseurs dans la longue histoire humaine ... Enfin, c'est du moins l'impression que j'ai eu quand, en repartant, le conservateur m'a couru après pour me faire signer le livre d'or et me donner une brochure explicative du site.

En retournant à Sharloq, je croise Christian et Patricia qui ont le même visa de transit pour le Turkménistan que moi. Le dialogue se renoue simplement et nous nous donnons rendez-vous pour le lendemain.

Après 70 kilomètres de parcours montagneux j'arrive à l'hôtel meilleur marché de Sarracks: 15 dollars la nuit. Je suis à pied d'oeuvre pour attaquer les formalités de passage de la frontière à 8 heures le lendemain.

 

Bilan de 30 jours en Iran: à part l'accueil tout à fait extraordinaire déjà maintes fois évoqué et son corollaire de rencontres, je signale juste les 2400 kilomètres de routes pour moitié très encombrées et souvent dangereuses, la plupart du temps assez plates, une dizaine de jours sans vélo pour du repos et/ou des visites parfois fantastiques (Yazd et Ispahan par exemple). Faire la route de la soie et visiter ces merveilles étaient les principaux objectifs de cette partie du voyage et ils ont été bien remplis.